Projet lauréat
Les Dynamiques du Monde Associatif à l’épreuve des Transformations Territoriales et de l’Informalité(DyMATTI). Quand associations & collectifs s’insurgent contre la vulnérabilisation résidentielle
Appel à projets : recherche sur le fait associatif
Dates du projet : janvier 2020 – décembre 2021
Mots clés : transformations territoriales, informalité, vulnérabilisation résidentielle
Ce projet s’intéresse aux enjeux territoriaux des mobilisations associatives, et a été mené sur le territoire rhônalpin, en prenant pour étude trois mobilisations territorialisées : la mobilisation pour l’îlot Mazagran à la Guillotière (Lyon), la lutte contre le projet d’autoroute A45 (Ouest lyonnais), des collectifs et associations d’hébergement d’exilés en vallée de la Drôme (Drôme).
Des territoires à défendre à l’origine de la mobilisation
Les mobilisations étudiées ont montré combien le territoire était objet ou partie-prenante des luttes entreprises. Ainsi, construire un « récit » autour du territoire fait partie intégrante du processus de mobilisation. Ce territoire, local, est valorisé, et le plus souvent défendu, par exemple contre un projet d’aménagement. Ce récit local met en scène divers aspects du territoire : sa composition sociale, son histoire, ses qualités paysagères ou écologiques…
Des mobilisations qui s’opposent à la vulnérabilité résidentielle
Ce territoire est un refuge contre des formes de vulnérabilisation. Ce sont en particulier des phénomènes de vulnérabilité résidentielle qui sont apparus : les mobilisations territoriales étudiées ont en commun de tenter ainsi de s’opposer à des mécanismes d’éviction, de renchérissement des prix immobiliers, de gentrification. Indirectement, ces phénomènes sont en partie liés au développement de la métropolisation, qui contribue directement ou indirectement à la pression foncière, à la cherté des logements, et repose sur des principes d’individualisation et de concurrence entre individus et entre territoires.
Les lieux de la lutte : des emblèmes et une valorisation du local
L’organisation spatiale des luttes est fortement différenciée de l’une à l’autre : échelles, centralités, polarisations sont fonction de leur objet et très diverses, allant du très local au plus large, du très centralisé à la multi-polarité. En revanche, les lieux mobilisés font ressortir de fortes concordances. Ainsi, les lieux particulièrement investis sont très directement liés à l’objet des luttes : îlot Mazagran à la Guillotière, champs menacés d’artificialisation sur le parcours de l’autoroute A45 projetée, logements mis à disposition pour les personnes exilées. Ces luttes territoriales ont en commun de valoriser le territoire local : il figure dans le nom des associations, comme objet de lutte, et comme argument. Le « local » est ainsi une échelle privilégiée pour organiser ces luttes contre la vulnérabilité résidentielle.
Cartographie des luttes : des champs, des gîtes et des tavernes… et de nouveaux territoires créés
Dans certains cas, on observe un rôle déterminant des lieux privés, supports de la lutte : les domiciles des personnes engagées, en premier lieu, mais aussi des lieux à vocation marchande, comme les petits commerces de proximité (bars…), par exemple. Les salles associatives, municipales ou de communautés religieuses jouent également des rôles clés dans le cas de luttes ou de moments de mobilisation requérant la réunion de nombreuses personnes : dans ce contexte, les relations avec les institutions peuvent être déterminantes pour pouvoir (ou non) accéder à ce type d’équipements. En outre, les mobilisations contribuent à créer de nouveaux territoires. Le détournement de lieux (squat, changement d’usage), ou l’ouverture de nouveaux lieux (location, achat…), comme le développement de nouveaux réseaux interpersonnels sont ainsi vecteurs de nouvelles territorialités pour les acteurs de ces mobilisations.
Des luttes locales qui ne restent pas « enfermées » dans leur territoire
Bien que locales, ces luttes apparaissent étroitement liées à d’autres mobilisations. Celles-ci peuvent être locales, comme nationales. Elles peuvent avoir en commun des types d’objet (questions migratoires, lutte contre les grands projets inutiles et imposés) ou des aspirations communes d’ordre plus général (lutte contre le capitalisme, contre la métropolisation). Ces interrelations entre luttes locales et nationales s’appuient souvent sur les riches expériences militantes de nombre de leurs militants et/ou bénévoles. Ainsi, des profils divers cohabitent, depuis les bénévoles occasionnels aux militants chevronnés, souvent engagés dans plusieurs mobilisations à la fois, mais généralement au sein de l’« arc humaniste » (chrétiens dits « de gauche », écologistes, mouvements d’inspiration marxiste, sphère libertaire).
Des militants aux profils professionnels divers et capitaux économiques souvent modérés
Au sein de ces mobilisations territoriales, les profils professionnels des personnes engagées sont en partie le reflet de leur objet principal : professions de l’urbain sur le projet d’aménagement de la Guillotière, professions du médico-social en Drôme, paysans dans l’Ouest lyonnais. On rencontre plutôt des personnes aux capitaux économiques variables et intermédiaires (temps partiels, débuts de carrière, retraités, reconversions…), mais aux capitaux sociaux (réseau relationnel) et culturels (comme autodidactes ou par le biais des diplômes) assez développés. Le caractère souvent modéré des capitaux économiques est notamment à mettre en lien avec la sensibilité de ces bénévoles et militants à la question de la vulnérabilité résidentielle, qui les affecte parfois directement dans leur trajectoire résidentielle contrainte ou menacée. Malgré ces points communs, ces mobilisations sont souvent l’occasion de croisements entre des profils variés, et de renouvellement des sociabilités pour leurs membres.
Retours des associations : deux points d’attention
Les associations auxquelles ont été soumis les résultats principaux de cette recherche ont pu exprimer deux points d’attention. Tout d’abord, l’échange autour des « lieux des luttes » a fait apparaître le caractère crucial de disposer de lieux pour pouvoir se mobiliser. Ainsi, la mise à disposition de locaux collectifs, par une administration, institution, ou une association est déterminante pour pouvoir se réunir et organiser des dynamiques collectives. Dans certains cas, la réduction des espaces publics du fait de la densification a été également soulignée comme un facteur limitant les actions collectives. L’absence de telles ressources, dans certains cas, rend donc la mobilisation difficile et limite fortement ses possibilités d’action. A ce titre, les mesures de prévention de l’épidémie de Covid-19 en 2020-2021, comportant des interdictions de se réunir à plusieurs, de mettre à disposition des locaux de réunion, ont fortement entaché les capacités des associations à se mobiliser et à s’organiser.
Ensuite, les participants ont aussi souligné les enjeux d’échelle selon les mobilisations. Une dynamique associative dirigée contre un projet d’initiative locale est parfois plus difficile à porter, en raison de réseaux d’interconnaissance et de voisinage, qu’une dynamique contre une disposition nationale, permettant de fédérer plus largement. De même, la montée en généralité des thématiques des mobilisations et la mise en réseaux de différentes luttes est l’une des modalités utilisées par ces mouvements sociaux pour dépasser, à partir de cas locaux et situés, le risque d’être assimilé à une dynamique de type « NIMBY », ou Not In My BackYard : « pas dans mon jardin ». « Faire du Nimby » est l’un des reproches fréquemment adressé par des institutions aux porteurs de mobilisations locales. Il suppose bien sûr un processus de délégitimation, reposant sur le postulat que tout mouvement local serait porté par la promotion de l’intérêt privé des habitants au détriment de l’intérêt général.
Présentation de l’équipe
Elise Roche
Maître de conférence, Laboratoire Triangle, INSA
Judicaëlle Dietrich
Maître de conférence, Laboratoire EVS, Université Lyon 3
Thomas Zanetti
Maître de conférence, Laboratoire EVS, Université Lyon 3
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Le rapport scientifique
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Le rapport de synthèse
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