Projet lauréat
Démocratie d’interpellation et financements associatifs : enquête sur les subventions aux associations dans la ville de Roubaix
Appel à projets : recherche sur le fait associatif
Dates du projet : septembre 2020 – janvier 2021
Mots clés : financements, autonomie, démocratie
Quels liens se nouent entre financeurs publics et associations et comment impactent-ils leur autonomie ?
Dans quelle mesure les modalités de financement façonnent les activités associatives ? Si cette question traverse les réflexions des acteurs associatifs et des chercheurs en sciences sociales, les réponses apportées se concentrent principalement sur les masses financières et les financeurs. Ce projet de recherche s’attaque à une autre question décisive dans l’orientation des activités associatives ; à savoir les liens qui se nouent entre associations et financeurs, et la façon dont ces relations orientent les travaux des associations et leur autonomie. Par une enquête précise sur l’ensemble des subventions associatives allouées par la commune de Roubaix entre 2008 et 2018, le projet a mené à un ensemble de résultats concernant ces questions.
Les financements publics aux associations, un véritable enjeu démocratique
L’enjeu des financements publics aux associations est un sujet sensible, les données publiques disponibles étant difficilement accessibles, le travail en commission n’étant pas toujours publicisé, et les échanges entre pouvoirs publics et associations relevant souvent de l’informel. Or, il s’agit d’un véritable enjeu démocratique, à la fois pour les associations, les bénévoles et les citoyens. Ce projet permet d’éclairer les rationalités politiques du financement associatif, une question démocratique essentielle encore peu traitée par les sciences sociales en France. Bien que des travaux commencent à se développer sur le rôle du financement philanthropique dans les activités associatives en France, des recherches sur les modalités du financement public de la vie associative méritent encore d’être menées.
Une stabilité des subventions allouées aux associations
Globalement, il ressort sur la période étudiée une grande stabilité dans les montants attribués aux associations : la moitié des associations touchent à peu près les mêmes montants sur 10 ans (moins de 10% de variation), et ce malgré l’alternance et le changement de municipalité en 2014. Néanmoins, un quart de ces 350 associations ont connu, au moins une fois sur la période, des variations supérieures à 30% de leurs subventions (à la hausse ou à la baisse), ce qui représente une centaine d’associations.
Des variations de subventions aux causes multiples
Ces variations sont redevables d’une pluralité de raisons : rectification technique, développement ou réduction des activités des associations, politiques associatives visant à orienter ou fusionner certaines activités voire à externaliser certains services publics.
Quelques cas de variations à la hausse des subventions interrogent, dans la mesure où ils ne semblent pas liés à une évolution de l’activité associative. Ces cas pourraient relever de logiques clientélaires, de soutien institutionnel en échange d’appui électoral. Ces cas s’avèrent néanmoins moins fréquents que l’équipe n’en avait fait l’hypothèse, au regard du discours très répandu sur le « clientélisme associatif ». Ces cas demeurent néanmoins difficiles à documenter et objectiver, tant il est compliqué d’attester du fait que la subvention ne correspond pas aux activités effectivement développées par l’association.
Des coupes budgétaires parfois synonymes de sanctions
Un autre processus se dégage, plus fréquent en revanche : les sanctions financières, via des baisses ou coupes de subvention, aux associations jugées « critiques » par l’institution. Il s’agit principalement, bien que pas uniquement, d’associations qui interviennent dans le débat public et interrogent les choix de politiques publiques de la collectivité. L’étude démontre qu’il s’agit bien de sanctions politiques à l’activité des associations, aux conséquences parfois lourdes sur leur activité. Ces coupes de subvention se traduisent fréquemment par la fragilisation de l’association et le plus souvent par une diminution de ses activités.
Par ailleurs, ces sanctions contribuent à la dépolitisation du monde associatif, en décourageant les associations d’intervenir dans le débat public ou d’interpeller les institutions, activités perçues comme trop risquées. A ce titre, une enquête plus approfondie mériterait d’être conduite sur les formes d’auto-censure qui touchent les acteurs associatifs, qui évitent toute activité critique pour se prémunir de sanctions et maintenir leurs financements.
Ce n’est que le début …
Cette enquête, qui vise très directement à répondre à des interrogations et questionnements émanant du monde associatif, a permis de nourrir les travaux de l’Observatoire des libertés associatives, qui travaille sur l’autonomie associative. Les résultats de l’enquête ont été présentés à la coalition associative en vue de présentations et publications ultérieures. Ils pourront par ailleurs donner lieu à des enquêtes (encore) plus approfondies. Cette enquête a également permis de consolider des relations avec des associations de la Métropole Européenne de Lille et des chercheurs. Ce faisant un projet acteur-chercheur a été déposé et obtenu auprès de l’Université de Lille, visant à développer les résultats ici présentés sur un autre terrain, à savoir la ville de Lille. Ici les associations seront encore plus directement associées à la recherche, notamment Le Mouvement Associatif Hauts-de-France, la Maison Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire et l’Observatoire régional de la vie associative. Outre le projet collaboratif sur la ville de Lille, une recherche de plus grande envergure bénéficiant d’un soutien de l’ANR s’organise au niveau national, avec des chercheurs basés à Marseille et Paris, l’Observatoire des libertés associatives et l’Institut français du Monde associatif.
Présentation de l’équipe
Julien Talpin
Chargé de recherche, CERAPS, Université de Lille
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Rapport
Une citoyenneté réprimée, Marie-Hélène Bacqué, Romain Badouard, Julien Talpin et al, Observatoire des libertés associatives (2020)
Nous remercions nos partenaires pour leur soutien
Institut français du Monde associatif
1 Rue Dr Fleury Pierre Papillon, 69100 Villeurbanne