La crise sanitaire, révélateur de l’évolution des structures associatives ?
Présentation de la recherche « Têtes de réseaux et méta-organisations dans le monde associatif : quelles mutations et quelles réponses face à la crise COVID-19 ? »
La crise sanitaire n’a pas uniquement créé de nouvelles problématiques, elle a révélé et exacerbé des fragilités qui préexistaient. Pour surmonter ces fragilités, les associations ont été nombreuses à se tourner vers les têtes de réseau pour obtenir des ressources et informations utiles dans cette période critique. Pour les têtes de réseaux, des questions se sont posées dans cette période en particulier sur leurs modes de structuration et de financement, et sur leurs rôles et fonctions en réponse aux attentes des associations, en particulier des plus éloignées.
Conduite en lien avec Le Mouvement Associatif, cette recherche avait pour but de comprendre les mutations profondes qui affectent les têtes de réseau associatives. Il s’agissait de proposer un état des lieux de la diversité de ces têtes de réseau et d’investiguer tant les réponses déployées que les difficultés ayant émergé à l’occasion de la crise COVID-19.
Un premier projet de recherche s’était intéressé en 2014 aux différentes modalités d’organisation collective inter-associatifs (coopération, fusion, constitution d’une entité commune, organisation de têtes de réseaux). Cette nouvelle recherche innovante lauréate de l’Institut prolonge ces réflexions sur les spécificités des têtes de réseaux et sur leurs particularités organisationnelles et institutionnelles. Alors que ce type d’organisations a été largement été étudié dans le monde lucratif privé, le sujet n’a pas encore été investigué par la recherche dans le domaine associatif.
Un premier axe de la recherche s’est interrogé sur ce qui caractérisait les dynamiques et changements au sein du Mouvement Associatif depuis plusieurs années ? En 2019, Le Mouvement associatif a connu une réforme statutaire importante pour s’ouvrir à davantage d’associations, se posant des questions de gouvernance et de modalités de représentation. A travers cette dynamique, Le Mouvement Associatif a souhaité porter le fait que les associations sont actrices d’un dialogue civil, ce qui interrogeait à la fois les expertises et enjeux propres au monde associatif sur ce sujet, mais aussi le modèle économique de l’accompagnement des associations dans cette fonction de dialogue civil.
Un deuxième axe de la recherche s’est intéressé aux incidences que la crise sanitaire a eu sur les têtes de réseaux en termes de structuration interne, de démocratie, sur le plan décisionnel et de leur structuration régionale.
La méthodologie a été travaillée de façon conjointe entre l’équipe de recherche et l’équipe du Mouvement Associatif. D’un point de vue théorique, la littérature aborde les méta-organisations selon deux questionnements. Le premier concerne la dynamique interne aux méta-organisations, les relations entre méta-organisations et ses membres, entre ses membres, les questions de légitimité, d’appartenance. Le deuxième concerne la relation externe aux politiques publiques, question particulièrement cruciale dans le contexte et sur l’identification d’une identité commune aux membres et à un secteur d’activité donné.
L’étude de cas sur le Mouvement Associatif a mis à jour trois enjeux. Tout d’abord, apparaît l’enjeu de membership. Qui sont les membres et de qui les membres sont-ils représentatifs ? Quelle évolution depuis le passage d’une Conférence Permanente des Coordinations Associatives à une logique de représentation plus large et d’intégration de nouveaux réseaux ? Quelle structuration interne et territorialisée via les Mouvements Associatifs régionaux, destinés à faire vivre à la fois des thématiques transversales et aussi propres à un territoire donné ? Ensuite, a émergé le second enjeu de la catégorisation et du principe directeur des méta-organisations (quelle cause représente-t-on ?). Fédérer le monde associatif, défendre le fait associatif auprès des pouvoirs publics et de la société dans son ensemble est par exemple au cœur de la mission du Mouvement Associatif, sans que ce soit forcément porteur des enjeux du quotidien contraint des associations et têtes de réseaux membres. Un troisième enjeu consiste à savoir si le Mouvement Associatif a pour fonction de déployer une capacité d’agir auprès de la société et des pouvoirs publics, ou plutôt de coordonner les actions de ses membres et d’organiser le dialogue entre ses têtes de réseaux membres.
Une seconde étude de cas conduite dans un sous-secteur du champ médico-social a permis de comprendre des dynamiques conflictuelles et de concurrence pouvant émerger entre têtes de réseaux, ou avec certains de leurs membres ou d’autres organisations. Comprendre les ressorts de cette dimension conflictuelle permet de mieux définir ce que signifie la concurrence pour des acteurs de l’intérêt général ayant pour mission de représenter l’intérêt de leurs membres : accès aux financements, légitimité de représentation, production de savoir, rôle des pouvoirs publics dans l’organisation d’un contexte concurrentiel, … Cela permet aussi d’entrevoir des pistes pour désamorcer cette dimension conflictuelle et projeter de nouvelles modalités de liens et de coexistence au sein d’une pluralité de têtes de réseaux.
GG
Intervenants et modératrice :
Sarah Bilot
Déléguée générale d'Animafac (modératrice)
Adrien Laurent
Docteur en sciences de gestion et agrégé d’économie de gestion, Université Paris Dauphine, PSL
David Ratinaud
Chargé de plaidoyer, le Mouvement associatif
Présentation de la recherche « L’hybridité des ressources au regard de la crise sanitaire »
Le contexte de la recherche est celui de la pandémie de Covid 19. Elle est l’émanation d’une sollicitation des acteurs artistiques et culturels de terrain, notamment deux en milieu rural et deux en milieu urbain. En effet, la recherche portait sur la contradiction de l’utilisation des ressources, de la difficulté de faire face à la baisse des financements publics, et des nouveaux modèles économiques et financiers par le moyen des ressources propres du secteur artistique et culturel.
Le questionnement initial était : comment coconstruire, avec les acteurs de terrain et les chercheurs, une réflexion sur une dynamique de développement, de rayonnement et de citoyenneté des territoires urbain et rural, à travers l’art et la culture ?
Les objectifs de la recherche se basent sur trois points principaux :
- L’étude et l’analyse des différentes stratégies de mobilisation des ressources, pour comprendre comment dépasser, d’un point de vue analytique sur le prisme strictement budgétaire, l’utilisation des différentes ressources, notamment financières
- Le dépassement des modèles dichotomiques, des ressources privées/publiques encadrées, dans une logique de marché et de distribution pour remettre la réciprocité des différentes logiques au cœur de l’analyse.
- L’analyse de la dynamique de quelques organisations en lien avec cette réciprocité afin de comprendre, comment en milieu urbain et rural, une même dynamique dans l’utilisation des ressources peut impulser le développement du territoire.
En fait, il s’est avéré, au cours de cette recherche, que durant la pandémie de Covid 19, les associations artistiques et culturelles ont été les moins nanties, du fait d’un manque de ressources propres et des difficultés liées à la baisse des subventions publiques. L’une des associations ayant pris part à cette étude est “Art et culture la chouette”, petite structure culturelle des Alpes-Provinces, intervenant sur 41 communes de montagne. Cette association a deux volets d’action : la programmation culturelle avec l’organisation de festivals, et l’accompagnement culturel de leur territoire.
Les populations étudiées de manière empirique ont été essentiellement quatre associations intervenant dans le secteur culturel et artistique, choisies volontairement par les chercheurs cités plus haut.
Les résultats de cette recherche ont été d’une part, de permettre à ces associations de se retrouver et d’échanger sur leurs expériences communes, en vue d’une co-construction à travers leurs activités au sein de leurs territoires respectifs. D’autre part, elles ont pu réfléchir ensemble sur le développement stratégique de leurs structures respectives, en clarifiant désormais qui elles étaient et la trajectoire à donner à leurs activités et à leur rayonnement territorial, en valorisant au mieux leur légitimité.
GG
Intervenantes et modératrice :
Sarah Bilot
Déléguée générale d'Animafac (modératrice)
Francesca Petrella
Docteure en sciences économiques et Professeure des universités, Laboratoire d’économie, de sociologie et du travail, Aix-Marseille Université.
Oriane Barrois
Directrice de l’association Art et Culture – La Chouette
Giorgia Trasciani
Docteure en sciences économiques, Laboratoire d’économie, de sociologie et du travail, Aix-Marseille Université (France), Tiresia, Politecnico di Milano (Italie)
Institut français du Monde associatif
1 Rue Dr Fleury Pierre Papillon, 69100 Villeurbanne