Fait associatif en Europe : de l’espace civique aux dynamiques démocratiques

Ce groupe de travail sur le fait associatif en Europe a eu pour objectifs d’interroger les angles morts de la connaissance des associations à l’échelon européen et d’identifier des pistes pour y répondre, notamment via un programme de connaissance européen. Ce groupe de travail a également permis d’amorcer une dynamique de réseau autour de la connaissance associative à l’échelon européen. Il a été identifié trois grands sujets transversaux à fort enjeu pour la connaissance des associations en Europe : « écrire l’histoire du fait associatif européen », « qualifier le fait associatif à l’échelle européenne » et « un état des lieux à actualiser dans une perspective politique, juridique et statistique ».

Une approche comparative de l’histoire du développement des institutions permettrait d’observer le développement des institutions de la société civile dans le temps et de comprendre les éléments de construction dans les différents pays. Par cette approche, on peut essayer de comprendre à travers l’histoire comment le fait associatif a contribué à répondre aux besoins sociétaux, à la diffusion de nouveaux modes de vie, de nouveaux métiers, à l’émergence de grandes politiques publiques et au dépassement de grandes crises et transitions qui ont traversé l’Europe, comme les guerres, la transition post-communiste, les crises économiques et financières, la crise du logement, la crise environnementale, les crises sanitaires, la crise des réfugiés, etc. Cette même approche permet aussi de mieux qualifier le fait associatif et son rapport aux autres acteurs de l’intérêt général, de mieux comprendre comment l’engagement associatif a contribué à forger une citoyenneté européenne active, de mieux appréhender les grandes mutations dans lesquelles il s’inscrit, et de nourrir la prospective des acteurs et de leurs partenaires.

La deuxième approche, « qualifier le fait associatif à l’échelle européenne », invite à penser des critères de définition du fait associatif à l’échelon européen. Afin d’éviter une définition trop normative, il est préconisé de réfléchir à ces éléments à partir des expériences de terrain, et à travers un dispositif en deux temps : dans un premier temps, en s’appuyant sur une documentation des réalités et des définitions nationales, les traits communs et différences pourraient être mis en lumière ; ensuite, à travers les programmes de soutien à la connaissance de l’Institut, qui pourraient présenter les traits communs du fait associatif, et laisser les chercheurs répondants apporter des éléments de définition globale. Afin de dépasser les disparités entre pays et qualifier le fait associatif à l’échelon européen, une approche « régionalisante » par les différents blocs qui constituent l’Europe pourrait être adaptée. Le cas de l’Europe centrale a été pris comme exemple. Après la transition démocratique dans les années 1980-1990, une volonté forte de développer la société civile a émergé, inspirée par des organisations philanthropiques américaines et britanniques. Il serait utile d’étudier les différences et les similarités entre les approches américaine et européenne et leur impact sur le développement de la société civile. 

La troisième et dernière approche, « un état des lieux à actualiser dans une perspective politique, juridique et statistique », a pour enjeux de renforcer les données statistiques sur les associations à l’échelle européenne, en vue d’une meilleure reconnaissance et prise en compte de ce secteur par les pouvoirs publics. Par ailleurs, une analyse comparée des politiques, législations et dispositifs de soutiens associatifs en Europe permettrait de dresser un état des lieux des environnements institutionnels favorables et des libertés associatives dans les différents pays européens. Il serait également intéressant d’analyser la place accordée au soutien du fait associatif dans les politiques publiques comparativement à d’autres modèles, ainsi que de créer une cartographie des dispositifs favorables du droit européen et de leur niveau de transcription dans les droits nationaux.

En complément de ces trois approches transversales, trois priorités thématiques ont été identifiées par ce groupe de travail comme des priorités stratégiques de connaissance : le rôle démocratique des associations, le fait associatif et l’espace civique, et les transformations des politiques publiques et leurs incidences sur le fait associatif.

Interroger la contribution sociétale du fait associatif, c’est envisager sa contribution à la démocratie et le rôle politique des structures associatives, contribuant à l’intérêt général aux côtés de la puissance publique ; c’est aussi s’intéresser à la façon dont les citoyens peuvent collectivement influencer, affecter et agir sur la démocratie au quotidien. En effet, la vitalité du fait associatif est non seulement le signe d’une bonne santé démocratique, mais en est également une condition. C’est pourquoi le rôle des associations d’apprentissage du vivre ensemble et d’éducation à la citoyenneté mériterait d’être davantage appréhendé.

La deuxième priorité thématique porte sur le fait associatif et l’espace civique, en particulier sur le lien entre les citoyens et les associations par la notion d’engagement civique, qui s’exprime à travers des organisations et des espaces créés par ces citoyens. De nombreux enjeux ont été déterminés : l’émergence de nouvelles formes d’engagement, par exemple par les nouveaux usages numériques, qui interroge la relation entre société civile formelle et informelle ; les mutations et tensions de l’espace civique au regard de l’engagement associatif ; la question de la légitimité des acteurs associatifs et leur reconnaissance au regard de leurs différentes parties prenantes ; la valeur ajoutée des associations par rapport à la relation directe des pouvoirs publics aux citoyens ; la comparaison entre les pays du rôle démocratique des associations et de ses transformations/défis ; les pratiques limites au sein du fait associatif, etc. 

Enfin, la troisième priorité thématique étudie les transformations des politiques publiques et ses incidences sur le fait associatif. Une réflexion autour des modèles de financements est essentielle, dans la mesure où le modèle de financement public ou privé peut être déterminant pour les priorités de la société civile. L’évolution des financements publics interroge notamment l’indépendance des associations et leur capacité d’interpellation auprès des pouvoirs publics. Dans ce contexte, il serait également intéressant d’étudier les nouvelles formes de financement privé des associations et leurs effets sur les associations. Le groupe a par ailleurs pointé un besoin d’étudier la dynamique de professionnalisation des acteurs associatifs, amenée notamment par les exigences des financeurs, et la manière dont cela influe sur les actions associatives et sur l’engagement citoyen dans les structures professionnalisées et dans celles qui sont à l’inverse dans des modes très informels. Enfin, il conviendrait d’étudier la manière dont les pouvoirs publics pensent le rôle des associations en période de crises : sont-elles considérées comme un opérateur exécutant les stratégies de l’Etat, ou bien comme une ressource pouvant contribuer aux réflexion autour des problématiques et à la construction des stratégies de réponse ? Et dans quelle mesure ces crises successives ont-elles impacté l’espace civique et civil ?

GG

Intervenants et modérateur :

Emmanuel Bioteau

Emmanuel Bioteau

Docteur en géographie, Professeur à l'Université d'Angers (modérateur)

Bernard Enjolras

Bernard Enjolras

Docteur en économie, Directeur de recherche à l'Institute for Social Research, Directeur du Centre for Research on civil Society and Voluntary Sector

Pierre-Olivier Bigo

Pierre-Olivier Bigo

Analyste politique, Unité Prospective et Analyse, Open Society Foundations

Nadine Richez-Battesti

Nadine Richez-Battesti

Maître de Conférences en Economie, LEST-Aix-Marseille Université, Co-Présidente de l'ADDES

Institut français du Monde associatif

1 Rue Dr Fleury Pierre Papillon, 69100 Villeurbanne

Suivez-nous sur les réseaux sociaux