Gouvernance et démocratie associatives

Cet atelier a restitué les résultats du groupe de travail acteurs-chercheurs lancé par l’Institut français du Monde associatif sur le thème de la gouvernance et de la participation. En guise de cadrage, Mathilde Renault-Tinacci a commencé par évoquer la polysémie du terme de gouvernance et sa double appréhension en le replaçant dans différents courants de recherche. Dans une perspective économique, le terme de gouvernance renvoie aux enjeux techniques d’efficacité et de performance, par la mise en œuvre de procédures normalisées calées sur des bonnes pratiques. Dans une perspective politique, il renvoie aux enjeux démocratiques par de nouvelles formes d’organisation susceptibles d’enrichir le projet associatif.  

La première perspective résonne avec la pénétration des logiques gestionnaires et marchandes dans le monde associatif. La seconde est porteuse de réflexions sur la façon de penser la contribution démocratique des associations dans un partage de responsabilité publique entre acteurs publics et acteurs associatifs.

Brigitte Giraud a ensuite présenté les 5 axes de recherche prioritaires qui ont été mis en évidence par le groupe de travail.

  1. Le premier enjeu interroge le caractère innovant des gouvernances associatives au regard de leur capacité à produire de la démocratie, et l’opportunité, à travers elles, de se diffuser plus largement au sein de la société et d’influencer la gouvernance publique et celle des entreprises.
  2. Le deuxième enjeu concerne le pouvoir d’agir et l’émancipation que permettent des modes de gouvernance participative. Il met à jour la potentielle opposition entre la gouvernance reposant sur les pratiques « capacitantes » des personnes de l’association, et la gouvernance multi-acteurs privilégiant le partenariat.
  3. Le troisième enjeu porte sur l’ouverture de la gouvernance à son environnement extérieur. Il interroge la position des associations entre opposition, négociation et collaboration, vis-à- vis de la sphère publique et privée, mais aussi sur la production de démocratie et de bien commun lorsque les associations s’ouvrent à d’autres associations. 
  4. Le quatrième enjeu s’intéresse à la gouvernance pour l’articulation étroite qu’elle propose entre projet associatif, leviers organisationnels et économiques, permettant d’assurer une cohérence interne entre projet, organisation et modèle socio-économique. Ce faisant, il s’agit de ne pas limiter le regard à la seule dimension organisationnelle, et de prendre en compte la dimension socio-politique comme levier d’innovation démocratique.
  5. Finalement, le cinquième et dernier enjeu concerne les pratiques identifiées au sein des organisations du secteur associatif que l’on peut qualifier de limites au regard de l’intérêt général, et qu’il serait important d’étudier pour en mesurer le poids et en préciser la nature.

Dans un troisième et dernier temps, Brigitte Giraud et Hugo Barthalay ont présenté quatre scénarios différents qui articulent entre eux les pistes de recherche issues du groupe de travail. Pour chacun de ces scénarios, ils ont développé trois enjeux : les enjeux académiques, les enjeux formulés par les acteurs et les enjeux de diffusion et d’appropriation de la connaissance. 

Le premier scénario appelle à étudier l’émergence de nouveaux modèles de gouvernance associatifs d’innovation démocratique, pour mieux comprendre les modes de gouvernance favorisant l’intelligence collective à l’échelle de l’organisme et entre associations, pour appréhender la démocratie participative en dehors d’une perspective exclusivement institutionnelle, et pour traiter les questions d’inclusion et de représentativité dans les instances de gouvernance. Ce scénario pourra également interroger le modèle d’entrepreneuriat associatif. Les pratiques limites ou déviantes du monde associatif en France pourraient également trouver ici un éclairage, permettant leur objectivation, leur régulation et l’accompagnement du secteur.

Le deuxième scénario porte quant à lui sur la place des associations dans la démocratie territoriale et sectorielle. Il s’agit en particulier d’éclairer la contribution des associations à la démocratie territoriale et de mieux comprendre la logique des gouvernances multi-parties prenantes en territoire. Cette approche permettrait de mieux appréhender la façon dont les territoires sont transformés par les associations, les mécanismes par lesquels l’apport associatif et l’engagement citoyen contribuent à la cohésion sociale et à la démocratie. Elle permettrait également de favoriser la co-construction et le dialogue des acteurs associatifs avec l’ensemble de leurs parties-prenantes.

Le troisième scénario s’intéresse au croisement entre modèle socio-économique associatif et mode de gouvernance, qui est un angle mort de la recherche aujourd’hui. Etudier la notion de modèle socio-économique reliée à celle de gouvernance permettrait d’analyser les modalités d’organisation et de décision installées ou à imaginer pour envisager des activités pérennes et en accord avec le projet associatif dans un contexte de raréfaction des ressources financières, pour évaluer et valoriser la contribution des associations à l’intérêt général, ou encore à promouvoir la spécificité de leur fonction socio-politique.

Enfin, le quatrième et dernier scénario s’est tourné sur les questions des nouvelles richesses humaines associatives, entre négociations, pouvoirs et transformations des identités professionnelles. L’enjeu est de mieux connaître les nouveaux profils d’engagement, de documenter les liens et la coordination avec les autres membres, de comprendre la place de ces engagements dans la décision collective. Renforcer la recherche sous cet angle permettrait d’analyser la tension entre la culture du bénévolat et celle de la professionnalisation des associations, les frontières entre le salariat et l’engagement et les conditions du travail associatif afin d’alimenter le dialogue social au sein du secteur associatif. Cela permettrait également de réfléchir à l’articulation entre les temps sociaux et les temps de vie.

GG

Intervenants et modérateur :

Brigitte Giraud

Brigitte Giraud

Vice-Présidente de l'Institut francais du Monde associatif

Mathilde Renault-Tinacci

Mathilde Renault-Tinacci

Docteure en sociologie, Chargée de recherche à l'INJEP et chercheuse associée au CERLIS-Université Paris Cité

Hugo Barthalay

Hugo Barthalay

Délégué Général de la Fédération des Centres sociaux et socioculturels de France

Thomas Lauwers

Thomas Lauwers

Chargé de projets, Maison des associations de Roubaix (modérateur)

Institut français du Monde associatif

1 Rue Dr Fleury Pierre Papillon, 69100 Villeurbanne

Suivez-nous sur les réseaux sociaux